A l’époque, pas de formalisation des apprentissages, juste quelques conseils de potes et beaucoup d’observation des meilleurs gars du coin à l’eau et juste quelques visionnages de bonnes vieilles cassettes VHS. Pour moi ce fût d’abord le skate sur un bon trottoir pourri dans mon village de Guidel. Pas une courbe à l?horizon malheureusement? La capacité à faire un ollie ou un slide sur un banc inridable ou un trottoir en granit sans rider modèle nous compliquait énormément la tâche et engendrait une progression relativement lente et laborieuse pour notre crew de skaters. Cette évolution dans la pratique n’en était pas moins stylée et passionnante. C’était l’expression d’une liberté totale qui tend parfois à s’estomper avec l’augmentation de la population et la programmation de séances d’entraînement à heures fixes comme dans les autres sports traditionnels. Mais il reste que pour l’éternité, tous ces savoirs informels qui se transmettent et participe toujours à une dimension très intéressante de l’apprentissage. De père en fils ou entre frère et soeur, de pote en pote, c’est le petit conseil, la petite technique, le petit déclic, le petit plus qui aide à passer la barre, à rentrer le move, en plus d’un matériel plus adapté et évolutif? Cette transmission informelle cela peut être par exemple l’art et la manière de se mettre à l’eau sur certains spots. C’est aussi le mimétisme dans l’exécution de certaines man?uvres ou le « bon geste » pour une qualité de waxage optimale, ?
Dans la formalisation de l’apprentissage engendrée par l’explosion des écoles de surf, le step by step gomme au plus vite les moindres défauts. Moins de charme sans doute mais tellement efficace. En Bretagne, il n’y avait qu’à observer au dernier championnat régional espoirs 2011 les purs produits des clubs et écoles de surf ou de fils de surfeurs pour constater à âge égal l’évolution fracassante du niveau local. Des petits gars équipés de shortboards miniatures récitant leurs leçons et proposant des enchaînements de trajectoires d’une maturité étonnante. Est-ce uniquement l’avantage d’un âge précoce auquel ont démarré ces jeunes pousses qui leur donne du niveau ou plutôt l’environnement de l’apprentissage au travers de l’encadrement qui démultiplie l’expression du potentiel de chaque jeune surfeur ? Après, n’oublions pas que les vagues surfées y seront aussi beaucoup pour quelque chose dans le type de surf que vous allez développer. Sur certains spots world class mécaniques, certains locaux affinent les performances des générations précédentes et atteignent un niveau très élevé. Une fois sortis de leur quartier c’est souvent beaucoup plus difficile pour eux de s’adapter à toutes les conditions quand ils n’ont jamais rien expérimenter de très différent.
Thème passionnant, mais il faudrait sans doute quelques années d’études sociologiques pour répondre à cette question complexe sur les savoirs informels et la formalisation des apprentissages dans la pratique des sports de glisse auto-organisés. Si les techniques d’apprentissage ont évolué et si l’internet a fait exploser l’offre d’images à enregistrer en mémoire, l’exemple de l’autorégulation informelle des pratiquants sur les spots surchargés montre encore que les savoirs informels sont toujours bien présents dans la manière que l’on a d’apprendre des techniques. Par exemple, sur un spot que vous ne connaissez pas vous allez observer la mise à l’eau des locaux, leur placement et leurs trajectoires pour tirer le meilleur parti de votre session?
Quel est le poids de ce que l’on peut apprendre de manière informelle dans nos réalisations techniques ? Vaste question, je vous laisse méditer !
Mais pourvu que le plaisir passe avant tout et reste intact ?