C’est avec plaisir que je vous présente Axel Lorentz, shaper discret et relax. Sans faire d’esbroufe il reste l’un des meilleurs shapers de la scène européenne reconnu par ses pairs et dont j’apprécie les shapes de la Sixtyninners ou de mon mini simmons bar of soap Geronimo revisité en quattro comme de ma bombe à tubes 6’2’’ High Voltage Quattro ! Retour sur son background, son parcours et son expérience dans le métier. Bonne lecture !
Salut Axel, peux-tu te présenter brièvement ?!
J’aurais 45 ans en Avril. J’ai grandi dans les Alpes et j’ai débarqué à 21 ans sur la côte basque. Mon père m’a mis sur les skis à deux ans, au ski club à 4 ans jusqu’au ski études au collège. Je ridais aussi en snow. Puis j’ai fait des saisons d’hiver et donc des saisons d’été. C’est là que j’ai découvert tout naturellement le Surf avec un pote en tentant une saison sur la Cote Basque, je n’en suis jamais revenu.
Où et quand as-tu commencé à shaper ?!
Ça fait donc 19 ans que je shape sur la côte basque. Ce fût un concours de circonstance. Je fabriquais déjà des objets miniatures à la montagne, des minis Snowboards,… en différents matériaux puis lors de mes saisons d’été des minis Surf,…Puis j’ai monté mon atelier Saioa Surfboards à Bidart en 1997 et Michel Borel, shaper de PSM m’a aussi pas mal formé. Il avait besoin de coups de mains et moi de bosser davantage pour boucler les fins de mois. Il m’a appris pas mal de techniques de travail en shape et en glass.
Longboard skate made in Bidart au début des années 2000 !
Je me souviens de ta collaboration avec un shaper australien Chris Garrett, en quoi cela consistait ? Qu’est-ce que cela t’as appris ? Les limites de cette collab ?
J’ai rencontré Chris Garrett au salon Nautique de Paris en 2001. Nous avions un stand avec l’association des Shapers d’Aquitaine (ASA) avec Gérard Dabbadie, Stark entre autres. Les australos faisaient un tour d’Europe, une expo à Paris et cherchaient des partenaires en Europe pour pousser un label. Ils souhaitaient utiliser la notoriété de chacun tout en restant indépendants. L’idée était aussi de profiter d’échanges lors de voyage de shape, de rencontrer et partager des riders aussi, et surtout d’avoir une communication commune (logo,…). Je suis donc parti shaper en Australie l’hiver suivant. J’ai continué à apprendre et c’était une bonne chose pour moi. Il a mis en jeu son image pour ce partenariat et ça m’a été bénéfique. J’y suis retourné 3 hivers d’affilée.
Ta rencontre avec Cédric de Viral Surf, une boîte du Surf biz qui va plutôt très bien et l’un de ces voyages « initiatique » en Australie, un bon souvenir ? Vous avez toujours évolué ensemble, en parallèle ?
A Bassilour je fabriquais des Longskates et j‘ai rencontré Cédric à Bordeaux pendant une compet. Il est très vite devenu mon premier vendeur de Longskate haha ! Il avait galéré en faisant un Longskate avec la niche de son chien et il m’a demandé des tuyaux haha… ! Plus doué pour la vente je lui ai proposé un deal : « A chaque fois que tu en vends 10 je t’en files un ! » J’ai fabriqué 250 skates faits mains la meilleure année ! On a aussi perdu nos pères au même moment et ça nous a pas mal rapprochés. Et Cédric s’emmerdait un peu en Master Management en stage dans une boîte de logistique du côté de Bordeaux. Il est venu bosser avec moi comme stagiaire pour développer mon business et finir ses études ! Il nous a gagné quelques concours Chambre de commerce et autres, ce qui nous a permis notamment de retourner ensemble en Australie. C’est vraiment chouette de pouvoir continuer à travailler et évoluer ensemble après tant d’années, on a une relation très privilégiée.
Parallèlement dans ton atelier de Bidart, je me souviens que tu ne souhaitais plus faire de la grosse production et tu souhaitais privilégier le shape et le côté artisanal sur l’aspect marketing/vente.
Long, dur et galère … J’ai connu les limites d’essayer de pousser une boîte tout seul dans la cour des grands. La difficulté pour se faire une place dans les shops, la com et les riders à gérer, les salons, les gars à payer à l’atelier… J’ai donc déménagé chez PSM pour faire très peu de planches et travailler à petite échelle sur le marché local.
Axel en compagnie de son ami Cédric en 2003 à Bassilour (co-fondateur de Viral Surf avec Julien C.) Le punch de Cédric et la sérénité d’Axel pour un cocktail dynamique et explosif !
Ton arrivée chez Pukas ? Avec un tel outil de production c’est un peu le rêve non, plus de paperasse, pas de carnet de commande ou de stocks à gérer ?!
Cédric rentre un jour de chez Pukas et passe me voir avec une info. Peter Daniels est dans le jus avec 100 planches à faire en 3 semaines et cherche quelqu’un en ghost pour faire la mission. Cédric me motive a au moins passer le voir. Peter me propose direct la mission. Je passe pour voir et discuter et me met le rabot dans les mains. Il me dit « Si tu ne sais pas shaper pas la peine qu’on discute. » Il me montre un préshape de De Souza et me dit « je repasse dans 3/4 d’heure ! » Il m’a pris pour faire le job et m’a proposé la place à l’année deux jours plus tard.
C’est juste un rêve de bosser avec un outil de travail comme celui de Pukas où je peux pleinement me consacrer à mes shapes et leurs designs ! Je n’ai pas à m’occuper de la gestion d’un atelier…C’est toute une équipe qui s’occupe de la production, de la distribution sur l’Europe et le Japon. La chance aussi de pouvoir travailler avec tous types de riders (free riders, WQS, Big wave riders, Juniors, Gromets…comme Kepa Acero, Aritz Aranburu, Grant Twigg Baker, Natxo Gonzalez, Andy Crière ou les frères Amatriain.
Il faut parfois faire des compromis marketing avec l’équipe pour l’élaboration d’une gamme d’un catalogue,… mais tout le monde est là pour qu’au final le produit soit au top ! C’est aussi une super opportunité aussi de bosser avec tous ces shapers internationaux de passage et mes collègues shapers résidents à l’atelier.
Combien de boards en 2015 ?
Environ 1200 Lorentz et 500 Lost dont j’ai la responsabilité de la production en Europe, mais je vais laisser la production de Lost à un autre shaper très prochainement pour me consacrer pleinement à mon Label et à la gamme Geronimo parce que j’ai vraiment trop de boulot !
L’un de mes jouets favoris pour les vagues un peu molles mais tendues !
Ma High Voltage, de la bombe de balle pour les vagues qui envoient la sauce !
Ce que tu aimes le plus shaper, un modèle plus qu’un autre ? Une planche originale qu’on ne fait pas tous les jours ? Une board de pro ? Ton goût pour les planches rétro t’es venu de quelque chose en particulier ?
J’aime vraiment faire de tout. J’ai toujours aimé un peu tout faire et je n’ai jamais eu envie de me spécialiser complètement. J’ai quand même un petit faible pour les planches hybrides avec de jolis finitions et bien travaillées plutôt que pour les trop nombreux « copier-coller » de planches « performances » toutes très proches et standardisées alors même qu’elles ne sont pas adaptées à tout le monde.
C’est vraiment plaisant de shaper pour la gamme rétro de Pukas « Geronimo » car j’ai carte blanche et c’est aussi très motivant parce que c’est la marque à l’origine de l’atelier à sa fondation en 1973 ou 1974. Un bon délire.
Pukas Geronimo au tout début avant l’atelier Olatu /The true story avec Miguel Aspiroz fondateur de la marque
Les Bidartars David Leboulch et Thomas Lafonta sont d’excellents riders et bien cool qui plus est, tes riders parmi les plus fidèles je crois et qui ont dû te donner un maximum de feedback sur tes planches ? Il y en a d’autres auxquels tu penses en particulier ?
C’est super rigolo de faire des planches à David depuis ses 12 ans. Je cherchais un jeune à qui faire des boards sur Bidart et Xabi Lafitte m’avait parlé de lui parce que c’était le plus motivé, toujours le dernier à sortir de l’eau, sympa et prometteur. Mais au-delà de ces planches « performance », c’est ce même feedback qui aide à faire des planches performantes d’un autre genre tout en récupérant des inspirations sur des planches rétro. Ça donne la Sixtyninners par exemple avec un bottom et un rail plus performant inspiré des planches d’avant. C’est l’outline et la répartition d’un single à la base. Au départ c’est toutes les rencontres de gars qui donnent des retours qui permettent de nous faire évoluer nos planches. Je travaille désormais avec le surfeur de gros Grant « Twyggy » Baker pour les guns. Il a son idée d’un modèle grossier, ses grandes lignes à lui pour une bonne planche et ensuite j’adapte cette idée et l’affine en discutant tout le temps avec lui pour arriver au meilleur résultat. Le mec a besoin d’avoir un shaper sur chaque continent pour ne pas tout trimballer à chaque fois et pour avoir des boards adaptées aux vagues locales.
Icons of Foam San Diego 2013 ?
Une compet exhibition de Shape réservée auparavant aux américains et hawaiiens. Une place était ouverte sur candidature. J’ai envoyé et ils m’ont choisi ! J’ai donc pu participer à une « Tribute for Ben Aipa ». Le jeu c’est de reproduire une planche à la main en 1h30 dévoilée juste avant et en public ! 6 compétiteurs s’affrontent. Ce coup-ci : Matt Calvani de Bing Surfboards , Roger Hynds de Bear surfboards, Davey Smith de Channel Islands, Cordell Miller… Je finis 3ème derrière Roger Hynds qui termine premier et Matt Calvani second. Un très bon souvenir !
Axel en bonne compagnie pour le Icons of Foam de San Diego 2013
Ce que tu adores par-dessus tout dans ton métier ?
Je n’ai pas impression d’aller au boulot même si comme tout travail c’est contraignant.
Je pense sans cesse à la prochaine planche ou au nouveau modèle, c’est un peu sans fin, il y a toujours de nouvelles sensations, de nouvelles idées, de nouvelles informations ou échanges. Tellement de paramètres sur lesquels on peut jouer et mettre en interaction.
Je préfère être dans la salle de shape que derrière l’ordi même si aujourd’hui on est obligé d’y être pas mal. Mais même avec les préshapes on utilise encore les templates, les cales et la scie pour les belly channels, ou des tails différents, les wings par exemple… Et pour Geronimo aussi j’ai beaucoup de travail à la main, vu qu’il y a plus de matière ou pour les concaves au nose que je préfère faire à la main parce que je n’aime pas le résultat de la machine pour le moment. On finit encore tout à la main et c’est là que se fait toute la différence. C’est pour ça qu’il y a encore des shapers qui traînent sinon il n’y aurait plus que des designers… ! Et des réparateurs bien sûr haha!
Ce que tu aimes le moins ?
La poussière ! J’en ramène partout à la maison. Je dois faire mes machines séparément de ma femme et ma fille ! Et les interviews ! Ahahaha
Une bonne session de surf pour toi c’est ?!
C’est d’en sortir content, le plus souvent d’une session avec les copains. J’aime bien les vagues quand il n’y pas trop de monde, ou en voyage par exemple ! Celui qui fait la meilleure session c’est pour moi celui qui sort le plus content quel que soit son niveau. Et pour revenir au boulot, le top c’est de savoir que les mecs sont contents de leur surf de pouvoir les aider à progresser et s’amuser avec mes planches. Je n’ai pas trop le temps de surfer, j’ai vraiment beaucoup de job et j’ai du mal à être à jour de tout. J’arrive même pas à bloquer encore de dates pour partir shaper à l’étranger alors même que j’ai des déplacements de programmés !
Les piscines à vagues et le tow-in ça t’inspire quoi ? La fin de l’esprit Surf et de la liberté d’un sport et mode de vie en pleine Nature ou juste le moyen de pousser toujours plus loin les limites ?
Je n’y suis pas opposé. C’est bien pour développer le sport, et assurer un event ou une compet aux JO et aussi apporter le Surf dans des endroits perdus loin de la mer. Même si ce n’est pas forcément ma tasse de thé. Ça peut permettre de faire évoluer le matériel et travailler sur du design.
A+ Axel et merci pour les magic boards !