Peut-être là-bas ? C’est peut-être trop haut ou peut-être trop bas, peut-être trop sud ou peut-être trop nord… En mode découverte on n’est jamais sûr de scorer. Attendons tout à l’heure… Photo : Kristen Pelou / www.kristenpelou.com
C’est l’hiver, les dépressions s’enchaînent et les sessions sur les « secrets spots aussi » ! Enfin pour ce qu’il reste de secret… C’est à la vue sur le réseau social Facebook d’une vidéo amateur d’une vague bien gardée par une poignée de surfeurs de la presqu’île de Crozon il y a 15 ans et très peu connue que l’idée de cet article m’est venue. Le partage d’infos sur les secrets devrait être encore aujourd’hui mérité et j’ai bien mal au cœur pour les quelques locaux de l’époque qui se partageaient le gâteau avec parfois quelques invités discrets. Même des camarades de Surf assez proches ne vous lâchent pas comme ça les conditions de fonctionnement de différents spots. La confiance se gagne et se mérite notamment sur votre capacité à ne pas trop en dévoiler au reste du monde. Il faut donc chercher et c’est souvent un échange d’infos avec la condition d’une parole tenue. Certains s’échangent même des spots façon collectionneurs et dressent des cartes de Bretagne et d’ailleurs. D’autant plus que la rumeur rapporte que sur certains forums, certains, tout en planquant les infos susceptibles de “livrer” les spots confidentiels se constituent en loosedé une base de données bien fournie. De toute façon, celui qui ne connaît aucun secret à peu de chance qu’on lui en montre, il lui faudra chercher d’autres lieux, observer et rencontrer au fil du temps d’autres itinérants. On ne prête qu’aux riches en Surf aussi !
BZH no comment Photo : Kristen Pelou / www.kristenpelou.com
Quand on voit aujourd’hui la foule sur certains spots peu connus il y a encore de cela 10 ans, on comprend bien qu’en changeant de siècle l’information a changé de vitesse de déplacement. On est passé au numérique, à l’internet qui se veut via facebook autant salvateur pour mener certaines actions (comme le dernier nettoyage de plage guidélois par exemple – merci Crousti flex !) que nuisible quant à la confidentialité et à l’entendement d’un esprit préservé sur certaines vagues bretonnes comme normandes, charentaises ou vendéennes je suppose… Parole d’un autre temps me direz-vous ? Peut-être. Sûrement. Je ne sais pas. Pas du tout. Une chose est sûre, l’envie de préserver, de protéger, pas seulement par pur égoïsme mais aussi par la quête d’un état d’esprit et d’une culture préservée, celle du Search comme dirait l’autre. Il fût une époque où il était parfaitement impensable de partager des photos d’un secret spot sur un forum de partage de notre passion, notamment un que je parcoure depuis des années sans jamais vraiment y participer. Surtout par peur d’y passer trop de temps et de sans doute y raconter trop de conneries. Autant se préserver un peu ! Les photos étaient parfois voir même bien souvent censurées (et le sont parfois encore) et les reports se limitaient aux « main breaks ».
Mais revenons à notre définition du secret spot afin de poser les bases d’une réflexion globale sur cette question. Un Secret, c’est un spot que l’on ne trouve pas au bord d’une route mais plutôt desservi par un chemin de ronde, un sentier piéton ou à une certaine distance du bord par la mer sur de petits îlots ou autres et peu ou pas visible de ladite route avec parfois un gros effort de marche à faire et éventuellement un accès dangereux (descente dans une crevasse de falaise,..). En Bretagne comme parfois ailleurs, secret rime souvent avec repli. En effet, moins les spots marchent souvent, plus ils sont capricieux et plus ils restent secrets longtemps, c’est-à-dire partagés par une petite minorité de surfeurs locaux ou initiés à la recherche de ce type de spots. On entend par là également une certaine qualité de vague. Vous l’aurez compris, pas la peine d’aller nommer secret spot une vague momolle qui déferle vers le large dans un gros backwash avec un vent side-on fort tout pourri…
C’est bon la marche à pied relax après la découverte et des images plein la tête Photo : Kristen Pelou / www.kristenpelou.com
Alors entre en jeu votre expérience pour vous rendre sur une nouvelle vague précise dans son déferlement et bien gardée par quelques locaux à l’eau. Différentes situation s’offrent à vous :
– Soit vous venez seul avec un mec du coin et vous rencontrez du monde direct. Si vous êtes relax et pas trop gourmand pas de problème, les mecs sont sympas.
– Soit vous pointez seul ou à deux et là c’est un peu quitte ou double en fonction de l’humeur de chacun, du monde à l’eau,… Par exemple si c’est le meilleur jour et que d’autres sont en mission en même temps que vous les locaux vous laisseront peut-être les miettes… !
– Soit les locaux sont au boulot où ils ont trop surfé les jours précédents. Bref, y’a personne, c’est portes ouvertes et vous avez le spot pour vous, le jackpot en quelque sorte !
– Soit vous venez à trois ou quatre et ça peut vite chauffer avec quelques missiles anti-débarquement !
Une chose est sûre quel que soit l’endroit où on débarque, une certaine humilité s’impose comme une évidence devant une vague (et ses surfeurs locaux) dont on a parfois entendu parler longtemps avant de la surfer pour la première fois. Ce sont souvent des moments magiques dont on se rappelle toute sa vie. D’autant que certains spots ne s’attrapent pas souvent… Le pic qui marche 2 ou 3 fois dans l’année avec des conditions très spéciales où il faut avoir tous les paramètres réunis pour scorer s’avère être un spot pas top la plupart du temps. Par contre, il peut dans certains cas avoir l’avantage de « marchouiller » lorsque rien d’autre ne fonctionne bien donc pas la peine d’en parler…
Comme tout le monde, avec un peu de temps et de gasoil à dépenser si on m’avait dit où ça se trouvait, j’y aurais très certainement traîné mes dérives … Les dizaines de spots surfés et croisés au prix de l’itinérance stratégique dans une vie de surfeur sont le fruit d’un investissement permanent pour découvrir de nouvelles vagues. (Nouvelles pour soi j’entends, la plupart sont en effet déjà surfées par d’autres) Aujourd’hui de nouveaux outils, de nouvelles manières de penser le Surf et de le pratiquer apparaissent. C’est un fait, à vous de vous en faire votre propre idée. Et avec l’avènement programmé des piscines à vagues, ma réflexion sur cette thématique risque de devenir complètement caduque ! A ce sujet, lisez l’ article très intéressant intitulé “Rage against the machines” sur www.surfeuropemag.com.
Juste derrière la colline ou après la première deuxième troisième ou quatrième pointe ? Photo : Kristen Pelou / www.kristenpelou.com
Dans une vie, on a naturellement toujours envie de voir plus loin et d’en savoir un peu plus ; où pas du tout, on peut aussi préférer surfer en bas de chez soi
Le moindre recoin, le moindre bout de caillou sur une photo est un indice exploité pour reconnaître un endroit. Là ça va c’est connu ! Photo : Emeric Kerlo / www.altered-vision.com
Le Surf Itinérant Stratégique : « A postériori et au-delà de la problématique évoquée dans cet ouvrage, il m’est possible d’envisager le Surf itinérant stratégique sous la forme de petits groupes de surfeurs, d’équipes mobiles et variables auxquels correspondent un système micro-social régit par un code de valeurs et de normes. Le retour à la Nature, le plaisir, la performance, l’indépendance comme la liberté sont ici des valeurs partagées. » Dan Billon, Mémoire de Sociologie, « La pratique atypique du surfeur itinérant stratégique ; le cas brestois », Maîtrise STAPS UBO Brest / 2003)
Avec la contribution dans le texte de Kristen Pelou